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50 Ans d’indépendance au Burundi: envers une gouvernance pour la paix

A l’heure ou le Burundi  s'apprête à célébrer les cinquante ans de proclamation d’indépendance le tableau est sombre : l’impunité, l’insécurité et les exécutions extrajudiciaires  des  membres des partis politiques de l’opposition. Parmi les grands obstacles à la réconciliation, il y a le manque de vérité sur l’histoire du pays, dit Lyduine Ruronona.

Lyduine Ruronona
3 July 2012

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Là où il y a des hommes, il y a toujours des conflits. Le Burundi vit depuis plusieurs années des péripéties tragiques. Mais le plus tragique n’est pas le conflit, c’est la façon de gérer le conflit. Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance il n’est pas encore question d’une gouvernance pour la paix. Les gens s’énervent quand on veut savoir la vérité, quand on veut savoir qui a fait quoi et pourquoi. Au Burundi, les acteurs politiques changent de discours et les promesses ne sont pas tenues. Certains membres de la société civile restent soumis aux volontés de certains acteurs politiques.

La source principale des conflits au Burundi est surtout le contrôle de pouvoir politique, économique et social. Il en découle un manque de cohabitation entre les partis politiques dans la gestion du pays et le déséquilibre numérique entre les différentes forces qui composent la société burundaise, c'est-à-dire que les partis de l’opposition ne sont pas représentés dans les institutions. Les besoins et les préoccupations des citoyens comme la pauvreté et la sécurité sont souvent ignorés au profit des intérêts politiques et personnels. Ceux qui accèdent au pouvoir n’ont pas la qualité de se concentrer sur les intérêts en jeu et non sur les positions.

Parmi les grands obstacles à la réconciliation, il y a le manque de vérité sur l’histoire du pays et les véritables mobiles des conflits qui ont endeuillés le pays depuis son indépendance jusqu'à aujourd’hui. l’Accord d’Arusha pour la Paix et la réconciliation au Burundi signé le 28 août 2000 prévoit la réécriture de l’histoire du Burundi. Pour Emile Mworoha, Professeur à l’Université du Burundi et président de la commission mise en place par le gouvernement burundais pour ce travail, il faut écrire une histoire authentique, nationale et qui aide à la reconstruction du pays. Les écrits sur l’histoire du pays sont insuffisants et lacunaires. La gestion coloniale s’est faite sous l’empire de l’idéologie hamitique qui finalement s’est disqualifiée sur le plan scientifique : « Cependant, elle continue à être acceptée comme une vérité, parce qu’elle a été intériorisée » dit Emile Mworoha. « Elle est véhiculée par certains ouvrages qui se fondent sur l’inégalité des classes sociales, sur la domination des races supérieures sur celle dites inférieures ». D’après lui, dans beaucoup de pays, cette idéologie est supprimée des nouveaux ouvrages.

La mauvaise gouvernance freine aussi le processus de réconciliation. On observe la peur de dénoncer les bourreaux et un manque de confiance aux autorités, à la justice et au climat politique. La mauvaise gouvernance inclut le fait que l’exécutif a tendance à s’ingérer dans le traitement des dossiers judiciaires.

Le tableau est sombre : l’impunité, l’autoprotection et la protection mutuelle, l’insécurité liée à la circulation des rumeurs sur la naissance probable de rebellions et les exécutions extrajudiciaires  des  membres des partis politiques de l’opposition comme Mr Léandre Bukuru de Gitega au centre du pays.  Il a été décapité du fait qu’il est membre du Mouvement pour  la Solidarité et la Démocratie « MSD ».

D’autres causes de tension et de conflit sont directement liées au manque de dialogue et d’éducation à la démocratie. Le manque de projet de société pour les partis politiques, la non maitrise des idéologies politiques, le manque de valeurs démocratiques et l’achat de conscience pendant les élections sont des entraves majeures. Par exemple, lors des élections, un paysan misérable quand on lui donne de l’argent, vote celui qui lui a donné quelque chose.

La Commission technique chargée du désarmement de la population civile (crée par le Gouvernement en 2009) est chargée de concevoir et mettre en œuvre le programme national de désarmement de la population civile et de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Le Burundi a organisé une campagne de grande envergure de désarmement civil en 2009, au cours de laquelle les autorités proposaient d'échanger une arme contre une houe ou des sacs de ciment. Pour le pouvoir, cette opération a permis de récupérer plus de 70% des armes détenues illégalement. Le bilan de cette opération est très contesté par quelques-uns de la société civile, parce qu’on assiste toujours à des morts à cause du port des armes par la population.

La Résolution 1325  aborde non seulement l’impact démesuré de la guerre sur les femmes, mais aussi le rôle clé que les femmes jouent, et devraient jouer, dans la gestion des conflits, la résolution des conflits et la paix durable. Elle demande aux protagonistes dans un conflit et à tous les intéressés d’adopter des mesures garantissant la protection des droits fondamentaux des femmes et des petites filles en particulier dans les domaines de la constitution, du système électoral, de la police et du système judiciaire. L’article 13 de la Résolution 1325 précise clairement le traitement à accorder aux femmes et filles ex combattantes et leur famille pendant que les textes régissant la commission de désarmement civil exigent l’implication effective des femmes dans la collecte des armes.

En réalité les femmes n’étaient pas fortement impliquées à cause de manque de compétences requises au niveau de formation. Les projets « Désarmement », « Réforme de la Police nationale » et « renforcement du Service National de Renseignement » s’opéraient sans que les responsables de ces projets soient formés sur les démarches spécifiques au genre dans les opérations de maintien de la paix, le désarmement et la reconstruction. Ces lacunes font que les filles et femmes policières se retrouvent faiblement intégrées dans le processus. Certes, elles bénéficient de certains programmes de formation mais leurs besoins spécifiques des femmes policières enceintes ou ayant eu des enfants pendant la rébellion ne bénéficient d’aucune attention particulière quant au travail sur les positions ni à l’éducation de leurs enfants.

Aussi, la Commission en charge du Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion (DDR) des ex-combattants ainsi que la Commission en charge du désarmement de la population civile ne travaillent pas de concert même si le public ciblé est le même.

Dans le cadre de la consolidation de la paix, certaines associations œuvrant dans le domaine de la paix et sécurité comme le Centre des Femmes pour la Paix ont  longtemps organisé des projets de réconciliation entre les femmes de l’ethnie hutu et de l’ethnie Tutsi au Burundi. Ces femmes réconciliées amenaient leurs maris à la réconciliation eux aussi. Voici le témoignage d’un homme du sud du pays: « moi quand j’ai vu ma femme commencer à aller dans les associations et qu’elle a commencé à me dire qu’on leur apprenait à se pardonner et à s’aider mutuellement,  je l’ai considérée comme folle parce que je ne pouvais jamais m’imaginer que ceux qui ne partage pas la même ethnie  peuvent se serrer la main et travailler ensemble pour le développement du pays. Un jour je me suis jeté dans l’eau et je m’y suis rendu et j’y ai trouvé d’autres hommes, je les ai trouvés heureux et moi aussi j’ai fini par y adhérer. Maintenant on travaille ensemble et nous nous sentons à l’aise sans distinction aucune. Je veux lancer un appel aux autres qui sont toujours bloqués par leur appartenance ethnique, de laisser tomber cette veille idée et de nous rejoindre et construire notre chère Patrie le Burundi ».

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Des activistes de la paix dans leurs travaux champêtres.

On le faisait par groupe (chaque ethnie à part) en leur montrant la perte et les conséquences des divisions et en axant particulièrement sur la vulnérabilité des femmes. Ensuite on les mettait ensembles et ils donnaient leur témoignages en avouant que l’un a fait du mal à l’autre. Ainsi ils se réconcilient. Là où le programme a réussi, c’est que l’appartenance à des partis politiques différents ne cause plus problème. L’essentiel pour eux est de faire qu’il y ait un développement et de vivre dans la paix durable.

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Si les acteurs sociopolitiques ont une bonne connaissance des valeurs démocratiques et les jeunes sont éduqués aux stratégies d’actions non violentes alors ils seront plus ouverts au dialogue et à la tolérance politique. Ils seront moins réceptifs à l’usage de la violence comme moyen de résolution de conflits et plus ouverts à la gouvernance de la paix. A l’heure ou le Burundi  s'apprête à célébrer les cinquante ans de proclamation d’indépendance, je reste optimiste. Les cinquante années d’indépendance entraineront un examen de conscience et un retour en arrière sur les problèmes qu’a vécu le Burundi afin de garantir le respect, la tolérance politique et le relèvement économique du peuple burundais.

Cet article a été traduit en français par Jennifer Allsopp à partir de l’article original anglais

 

 

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