Beyond Trafficking and Slavery

En quête de reconnaissance: les travailleurs domestiques se mobilisent en France

Malgré les avancements importants accomplis par le mouvement syndical en France, le gouvernement français se doit de reconnaître (enfin) le travail des employés domestiques. English

Zita Cabais-Obra Neil Howard
8 February 2018

Tout d'abord, je me présente : je suis Zita Cabais-Obra, originaire des Philippines. Je suis migrante comme travailleuse domestique en France. Auparavant, j’étais victime de l'esclavage moderne. C'est la Confédération française démocratique du travail (CFDT) qui m'a soutenue jusqu'au tribunal et jusqu’au jour où j'ai gagné mon procès.

Je suis par la suite devenue militante et dirige actuellement un syndicat professionnel qui s’occupe des travailleurs domestiques de la région Parisienne. Ma présence est importante dans cette organisation car les travailleurs domestiques sont des professionnels, mais inconnus. Je dis « inconnus » parce que leur contribution est invisible à l’œil du public même si leur profession est très importante au quotidien.

Avec leur situation invisible, il n’y a pas moyen de savoir ce qui se passe dans leur milieu de travail.

Notre lutte en est une contre les inégalités et injustices que ces travailleurs peuvent subir, tout comme celles que j’ai moi-même vécues à l’époque. J’ai eu la chance d’être soutenue par la CFDT et par le fait même, d’avoir découvert une organisation qui peut accompagner ces personnes ayant besoin de soutien. Nous avons en France 1.4 million de salariés dans le secteur du travail domestique et le syndicat que je dirige en représente 38 à 40%. : c’est quand même énorme! La majorité de ces travailleurs sont des travailleurs migrants, pour la plupart des femmes et la majorité sont aussi des travailleurs non déclarés. Si je dis « non déclarés », c’est afin de désigner les travailleurs migrants sans titre officiel, dont la situation au pays n’est pas régularisée. Avec leur situation invisible, il n’y a pas moyen de savoir ce qui se passe dans leur milieu de travail. C’est pour cette raison que je pense que l’organisation a un rôle important auprès de ces travailleurs afin qu’ils puissent sortir de l’invisibilité et obtenir une reconnaissance quant à leur profession, afin qu’ils puissent être traités de la même manière que tous les autres travailleurs.

Neil Howard (oD) : Qu’est-ce que l'État doit faire pour améliorer la situation ainsi que les conditions de travail de ces travailleurs domestiques? 

Zita : Je pense que l’État français doit tout d’abord se souvenir du rôle des travailleurs domestiques dans la sphère économique. Ce sont des travailleurs qui contribuent à l’économie française. Prenons pour exemple les charges sociales, c’est un peu oublié. Je peux dire qu’en France il y a déjà une certaine reconnaissance : on a la convention collective et certaines protections sociales. Il y a par contre un grand manque à gagner dans certains domaines, comme dans celui des droits syndicaux. Les droits syndicaux sont importants, car ils permettent aux syndiqués d’avoir connaissance de leurs droits. Disons que je suis employée de maison, que je garde une personne fragile, que ce soit un enfant, une personne âgée. J’ai besoin de me syndiquer afin de prendre connaissance de mes droits. Je m’absenterais alors de mon lieu de mon travail, mais ne serais pas payée. Ma demande est donc que ces salariés puissent avoir des droits syndicaux afin ils soient en mesure d’exercer leur métier en tant que syndiqués dans le monde du travail.

Neil (oD) : J’imagine qu’il est donc très important pour vous d’être présente, ici (au colloque « The Global Struggle for Domestic Workers’ Rights »), à l’occasion de cette journée internationale des travailleurs domestiques.

Zita : C’est très important que je sois ici aujourd’hui, cela me fait plaisir et je remercie beaucoup les organisateurs pour l’invitation. C’est un honneur qui me permet de partager ce qu’on a en France avec tous les travailleurs domestiques dans le monde entier. On se doit de les soutenir  étant donné que ce sont quand même environ 55 millions de travailleurs « non reconnus » dans le monde entier. C’est donc très important pour moi d’être là. Je veux leur dire qu’ils ne sont pas seuls. Nous sommes là pour les soutenir ; une voix pour tous. Je pense que c’est très important d’être réunis et d’avoir une voix solide pour que l’on puisse faire reconnaître nos droits.

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♒ ♒ ♒ ♒ /flickr. (CC BY-NC 2.0)

Comme je disais tout à l’heure, c’est très important d’obtenir une reconnaissance pour ces employés. C’est un métier où la confiance est primordiale, parce que l’on confie les soins de personnes fragiles, de nos appartements, etc. Étant donné que ces salariés ont un rôle très important dans la société, nous avons besoin d’avoir un projet concret et élaboré ensemble, en plus d’être solide. Nous devons faire appel au gouvernement français, étant donné qu’à ce jour, il n’a toujours pas ratifié la Convention internationale 189 (C189).

Neil : Au cours de cette lutte pour la justice en milieu de travail, avez-vous établi des liens tactiques ou stratégiques avec d’autres mouvements et/ou syndicats ?

Zita : Effectivement, en France, nous avons ce qu’on appelle le dialogue social. Nous avons été en mesure de mener à terme les négociations entourant la convention collective grâce à l’existence de ce dialogue social. La prévoyance mutuelle pour la santé au travail, la classification pour que la personne qui travaille ait un salaire par rapport à son niveau. On travaille intersyndicalement. 

Neil : Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Zita : Je tiens à préciser que la CFDT est en fait le premier syndicat en France dans le secteur privé. Mon syndicat représente les assistants maternels et salariés de service à la personne et affiliés. Le syndicat que je dirige actuellement représente environ 1000 membres dans la région, mais il reste tout de même beaucoup de travail à faire.

J’aimerais également vous informer que nous organisons un événement qui se tiendra ce samedi afin de commémorer la journée internationale des travailleurs domestiques, comme nous le ferons demain, en face de la tour Eiffel. Nous nous réjouissons particulièrement car c’est la première fois que nous tenons un événement de ce genre. Nous voulons faire pression sur le gouvernement français de ratifier la C189. Nous voulons par le fait même attirer son attention sur la situation de ces travailleurs, qui demande une reconnaissance complète de leur domaine professionnel au même titre que tout autre salarié français.

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