Alimentation, logement, éducation et santé sont des éléments essentiels pour assurer un niveau de vie adéquat, mais protéger le droit à ces besoins de base est différent de la protection de la liberté de parole. Dans la plupart des cas, les tribunaux et autres mécanismes juridiques ne sont tout simplement pas à la hauteur des enjeux.
Les solutions basées sur le marché constituent une alternative qui a fait ses preuves et qui est financièrement pérenne. Bien qu’elles ne soient pas la panacée, elles devraient faire partie d’un ensemble plus large de solutions comprenant les programmes publics, l’aide internationale, et la philanthropie au niveau national.
Les solutions basées sur le marché donnent aux personnes à faibles revenus un meilleur accès aux produits et services socialement bénéfiques qui améliorent la qualité de vie et les moyens de subsistance. En Inde, ces solutions fournissent ou rendent possible, entre autres, l’eau potable, l’éducation privée dans les bidonvilles, la sécurité ou les accouchements médicalisés.
Les solutions basées sur le marché les plus prospères réussissent à deux tests : elles sont autofinancées et elles opèrent à une échelle suffisante permettant d’apporter un réel changement pour un grand nombre de personnes.

Flickr/Vinoth Chandar (Some rights reserved)
An apartment complex in Madras, India. Are market based solutions more likely to create opportunities for Indians looking for, "decent, low-income urban housing," than government programs alone?
Prenez l’Inde, l’exemple que nous connaissons le mieux. Comme d’autre économies émergentes, l’Inde a connu la croissance économique depuis les années 1990 tout en délaissant le modèle d’État providence. Les fruits de la croissance économique ne sont cependant pas répartis équitablement. Par conséquent, l’Inde d’aujourd’hui est un marché florissant pour les classes supérieures et moyennes, mais bien moins pour les pauvres. Bien que les pauvres puissent avoir des téléphones portables, ils n’ont généralement pas la possibilité d’accéder aux biens et aux services qui apportent des améliorations à long terme en matière de qualité de vie, comme l’éducation, la santé et le logement. Le gouvernement gère une multitude de systèmes d’aide sociale, mais ils ne sont ni efficaces, ni suffisants.
Depuis 2006, notre organisation, Monitor Inclusive Markets (MIM), a fait la promotion de logements pour les personnes à faibles revenus dans l’Inde urbaine. Notre public ciblé est composé de familles gagnant entre 10 000 et 25 000 roupies par mois ou 165 à 420 dollars américains. La plupart louent des logements dans les quartiers défavorisés qui sont surpeuplés, où les conditions sanitaires sont mauvaises, et où de nombreux services de base font défaut.
Et pourtant, dans leur grande majorité, ces familles aspirent à vivre dans des maisons de 23 à 37 mètres carrés dans les banlieues, et elles ont souvent les moyens de payer les taux du marché. Le problème est que les logements urbains décents pour les personnes à faibles revenus ne sont pas disponibles, ni d’ailleurs le crédit nécessaire pour y accéder. L’incitation à construire ce type de logement est inexistante pour les promoteurs immobiliers, et il en est de même pour ce qui est du soutien de la construction et des crédits par les financiers.
Soutenu par la Banque Mondiale, la fondation Michael & Susan Dell, et le ministère britannique du développement international (DFID), MIM a développé un modèle économique innovant et commercialement intéressant pour satisfaire cette demande. Notre analyse initiale a révélé une excellente opportunité commerciale pour construire et vendre des appartements de très bonne qualité destinés aux ménages à faibles revenus. Mais il n’y avait aucun intérêt chez les grands promoteurs vu que la rentabilité en travaillant avec les riches était bien plus élevée.
Nous avons continué à promouvoir l’idée, parlé avec plus de 600 promoteurs, et travaillé avec un architecte pour concevoir et construire un appartement témoin à Bombay. Quand un plus petit promoteur de la ville de Ahmedabad a finalement montré son intérêt en 2008, nous les avons aidé à sélectionner un site, à optimiser leurs plans et leurs prix, et même à faire signer des clients dans les usines locales. Ensuite, en travaillant avec des promoteurs indiens réputés, comme Foliage et Mahindra, ainsi qu’avec de nouveaux acteurs comme Jerry Rao de VBHC, nous avons encouragé plus de promoteurs à s’impliquer.
Vu que beaucoup de nos clients ciblés appartenaient au secteur informel et n’avaient aucune preuve officielle de revenu, les banques et les sociétés traditionnelles de financement du logement ne leur refusaient leurs services. En 2009, nous avons commencé à promouvoir un nouveau modèle de financement du logement qui évalue la solvabilité des demandeurs via des visites à domicile. Nos agents rencontrent les candidats et leur famille pour les interroger sur les flux de revenus informels, les habitudes de dépense, et les actifs existants.
Nous avons démarré Micro Housing Finance Company, une nouvelle entreprise dirigée par des anciens dirigeants du secteur bancaire, afin de lancer ce nouveau modèle. Nous avons également aidé un acteur connu, le Muthoot Pappachan Group, à lancer une entreprise de crédit hypothécaire pour nos clients cibles.
Aujourd’hui, plus de 10 sociétés de crédit hypothécaire servent les clients du secteur informel et génèrent un retour sur investissement qui est généralement de 1 à 2%. Avant notre innovation, ceux-ci n’avaient accès qu’aux crédits à court terme à des taux de 18 à 24%, qu’ils ne pouvaient pas utiliser pour acheter une maison. Les nouvelles sociétés de financement que nous avons aidé à créer fournissent du crédit à long terme sur plus de 15 ans, à environ 14%, ce qui est seulement légèrement au dessus des 11% offerts par les banques aux clients du secteur formel.
En 2011, nous travaillions avec un certain nombre de grands conglomérats industriels indiens pour mettre en place des logements pour les personnes à faible revenu. Nous sommes cependant devenus de plus en plus préoccupés par les obstacles juridiques rencontrés par ces promoteurs et notamment par les processus d’approbation fastidieux qui enlisent les nouveaux projets dans des années de bureaucratie. Avec l’augmentation des prix des terrains, ces délais rendirent difficiles le fait d’atteindre les rendements commerciaux tout en restant concentré sur les clients à faibles revenus. Nous avons donc commencé à travailler avec le gouvernement à tous les niveaux en aidant à développer des directives efficaces et en réduisant les lourdeurs administratives.
Les solutions basées sur le marché les plus prospères réussissent à deux tests : elles sont autofinancées et elles opèrent à une échelle suffisante permettant d’apporter un réel changement pour un grand nombre de personnes. Nous sommes également restés en contact avec les clients pour voir si leur nouveau logement et le crédit qu’ils avaient obtenu leur apportaient satisfaction. Nous étions soucieux d’identifier les conséquences inattendues et de partager les informations collectées avec les professionnels du secteur afin que les problèmes majeurs puissent être évités.
En 2013, plus de 80 000 logements à bas prix avaient été vendus par divers promoteurs dans 23 villes en Inde, et des prêts pour un montant de plus de 10 milliards de roupies (167 millions de dollars américain) avaient été accordés aux clients à faibles revenus du secteur informel via 10 sociétés de financement du logement.
Nous réalisons cependant que la plupart des solutions à la pauvreté qui sont basées sur le marché ne sont encore en opération qu’à petite échelle. L'analyse par MIM de plus de 439 entreprises sociales en Afrique a par exemple montré que seulement 13% étaient commercialement viables et avaient atteint, ou étaient en voie d’atteindre, une échelle significative.
Pour accélérer ces solutions basées sur le marché et les faire passer à l’échelle supérieure, nous devons comprendre comment supprimer les barrières. Certaines sociétés, par exemple, veulent livrer à bas prix de nouveaux produits pharmaceutiques aux zones rurales, mais ne peuvent pas le faire à cause du manque de prestataires de logistiques économiques, ou d’un nombre insuffisant de docteurs et de pharmaciens. D’autres sociétés, pour prendre un autre exemple, veulent fournir des fourneaux propres aux clients dont les revenus sont faibles, mais ces derniers ne réalisent pas pleinement les dangers pour la santé de l’émission de fumée dans la cuisine. Ces barrières peuvent et doivent être surmontées, mais cela va prendre du temps, de la réflexion et de l’énergie.
Les solutions basées sur le marché doivent faire partie des débats internationaux sur la justice sociale. Elles ne sont pas la seule solution, mais elles peuvent, et elles le font déjà, apporter un service d’une importance vitale aux milliards de personnes défavorisées appartenant au monde en voie de développement.

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