L’année dernière, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a déclaré : « la peine de mort n’a pas sa place au 21ème siècle. »
Mais un grand nombre des dirigeants des 53 pays du Commonwealth, qui vont se réunir à Malte pour leur réunion biennale en novembre, ne semblent pas avoir reçu le message.
Neuf de ces dirigeants sont à la tête de gouvernements qui exécutent régulièrement leurs propres citoyens. Vingt-six autres dirigent des États qui sont abolitionnistes « en pratique » mais qui conservent la peine capitale dans leur code pénal. Les pays les plus peuplés de l’organisation, l’Inde, le Pakistan, le Nigeria et le Bangladesh, ont tous pendu des prisonniers au cours des trois dernières années.
Le Commonwealth est composé en grande partie d’anciennes colonies du Royaume-Uni, une nation qui, en étendant son empire à travers le globe, a prononcé des centaines d’exécutions à l’époque du tristement célèbre « code sanglant ». Pourtant, alors que le Royaume-Uni lui-même a aboli la peine capitale dans les années 1960, l’héritage brutal de la justice impériale perdure dans les systèmes juridiques de douzaines de pays qui sont aujourd’hui indépendants.
Ce groupe d’États est nettement un retard sur la tendance mondiale à l’abolition de la peine de mort. Alors que 19 pays ont banni la peine capitale au cours de la dernière décennie, portant le nombre total d’États abolitionnistes à 103, seuls deux d’entre eux étaient membres du Commonwealth. La part des pays pleinement abolitionnistes est presque 45% plus faible au sein du Commonwealth qu’en dehors.
Les pays des Caraïbes membres du Commonwealth sont particulièrement en contradiction avec les normes régionales. Presque les deux tiers des pays avec des lois sur la peine de mort dans l’hémisphère occidental sont membres du Commonwealth.
Le tableau n’est pas vraiment encourageant ailleurs dans le monde. En Asie, pas un seul État membre n’a aboli la peine de mort. En Afrique, la région avec le plus grand nombre de pays du Commonwealth, seul un tiers l’a abolie.

Demotix/Tahir Iqbal (All rights reserved)
Pakistanis protest the death penalty in Islamabad.
Cette année pourrait s’avérer être la plus meurtrière de l’histoire récente. En décembre dernier, suite au massacre dans une école de Peshawar, le Pakistan a partiellement levé son moratoire sur les exécutions pour les inculpations de terrorisme. En mars, l’interdiction a été entièrement levée. Le pays a exécuté plus de 100 personnes depuis décembre, en faisant l’un des bourreaux les plus actifs.
De plus, les Maldives et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui n’ont pas exécuté de prisonnier depuis les années 1950, ont tous deux pris des mesures législatives pour reprendre les pendaisons cette année. Le gouvernement de Trinité-et-Tobago a également annoncé sa volonté de rétablir les exécutions.
Mais pourrait-il y avoir une solution au niveau du Commonwealth à ce problème qui le touche de manière disproportionnée ?
Les militants anti peine de mort devraient s’inspirer du continent qui accueille la réunion des chefs de gouvernement cet automne. L’Europe est le leader dans le monde en matière d’abolitionnisme : parmi ses 49 États indépendants, tous, sauf un, ont mis un terme à l’utilisation de la peine capitale.
Ce remarquable accomplissement est dû en partie aux efforts sur plusieurs décennies pour faire de l’opposition à la peine de mort une valeur pan-européenne et pour inscrire cet engagement au niveau intergouvernemental. En 1983, la Convention européenne des droits de l’homme fut modifiée avec un protocole excluant la peine de mort, excepté en temps de guerre. En 1998 cette interdiction a été rendue totale. L’abolition de la peine de mort est un prérequis pour devenir membre du Conseil de l’Europe, ce qui amena directement au moratoire sur son utilisation en Russie en 1996. De plus, les membres de l’UE sont maintenant tenus légalement par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de renoncer à la peine capitale.
Alors que l’Europe a été un précurseur, les efforts intergouvernementaux dans d’autres régions du monde ont confirmé ce consensus mondial grandissant. Dans les Amériques, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a été un des principaux porte-parole en faveur de l’abolition, et fut responsable de la suppression de la peine capitale du code militaire argentin. En Afrique, où le recours à la peine capitale a nettement décliné ces dernières années, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples devrait proposer un protocole au document-clef des droits de l’homme de l’Union africaine qui appellerait à une abolition totale sur le continent.
Peu de violations touchent davantage que la peine capitale au cœur de « la dignité de tous les êtres humains » et des droits de l’homme « universels, indivisibles, interdépendants et interconnectés » énoncés dans la charte du Commonwealth. Peu de violations touchent davantage que la peine capitale au cœur de « la dignité de tous les êtres humains » et des droits de l’homme « universels, indivisibles, interdépendants et interconnectés » énoncés dans la charte du Commonwealth. Se diriger vers une prise de position officielle contre la peine de mort ferait revenir le Commonwealth aux avant-postes des organisations intergouvernementales et lui donnerait, pour la première fois depuis des années, une présence morale incontournable sur la scène internationale.
Cela ne doit pas nécessairement conduire à une demande d’abolition immédiate. En se basant sur l’approche de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Secrétaire général du Commonwealth pourrait plutôt encourager les États membres non abolitionnistes à prendre des mesures intermédiaires en déclarant un moratoire, en réduisant le nombre de crimes passibles de la peine de mort et en assurant un minimum d’équité dans les procès impliquant la peine capitale.
Le Commonwealth pourrait également s’appuyer sur sa plateforme mondiale et son expertise technique dans le domaine judiciaire, et dans celui de la gouvernance, pour aider à faire de l’abolition une norme pour les États membres, tout comme il l’a fait au cours des dernières décennies pour les élections. Dans de nombreux pays, le débat sur la peine de mort souffre d’un manque d’information. En Inde, par exemple, la première grande étude nationale sur la peine capitale (qui a révélé une très forte partialité dans l’application des sentences) n’a été complétée que l’année dernière. Le Commonwealth, en partenariat avec les États membres comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, pour lesquels l’abolition est un objectif de politique étrangère, pourrait fournir à la fois un forum et une assistance aux décideurs politiques œuvrant à la réforme du système judiciaire.
Enfin, l’organisation a besoin de soutenir et coordonner les efforts de deux de ses ressources les plus sous-utilisées : la société civile et les organisations professionnelles. La liste des organisations accréditées du Commonwealth inclut trois grandes organisations de défense des droits de l’homme, une multitude de réseaux d’ONG et d’associations d’avocats, de magistrats, d’organismes de réforme du droit et de rédacteurs législatifs.
Ces groupes (dont certains sont déjà engagés dans la lutte contre la peine de mort) seraient des partenaires naturels dans un effort de l’ensemble des pays du Commonwealth visant à mettre un terme à la peine capitale. Alors que le Secrétariat du Commonwealth parle souvent de « famille du Commonwealth », il limite son rayonnement, ses capacités et sa pertinence (comme l’Initiative des droits de l’homme du Commonwealth (CHRI) le souligne dans un futur rapport pour le sommet de Malte) en n’impliquant pas suffisamment le réseau dynamique d’acteurs appartenant à la société civile des États membres. Cette campagne serait une excellente opportunité de faire en sorte que sa relation avec le « Commonwealth des peuples » soit plus fructueuse.
Au final, le Commonwealth ne sera pas le principal vecteur du militantisme contre la peine de mort. C’est un combat qui sera livré et gagné au niveau national. Mais comme nous avons pu l’observer en Europe et dans d’autres régions, jeter l’anathème sur la peine capitale au niveau intergouvernemental peut avoir une profonde influence. Si le Commonwealth veut être, comme il le revendique, une organisation fondée sur les valeurs et gagner le respect des citoyens en défendant leurs droits de l’homme, il doit travailler pour un 21ème siècle au cours duquel la peine de mort n’a vraiment pas sa place.

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