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Le Brésil signale des problèmes mais peut-il promouvoir le changement ? Par : Camila Asano

Le Brésil, peut-être plus que n'importe quelle puissance émergente, associe à la perfection stabilité et force économique, lui donnant une crédibilité sur la scène internationale qu’il devrait mettre à profit pour défier de manière beaucoup plus sérieuse le statu quo sur le droit international relatif aux droits de l’homme.  English, Português, Español

Camila Asano
21 June 2013
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Flickr/Blog do Planalto. Some rights reserved.

Le nouveau statut du Brésil sur la scène internationale a été largement débattu. Le géant sud-américain a longtemps aspiré à être un poids lourd international, mais ce n'est que sous le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010) que cette aspiration a commencé à devenir réalité. La combinaison entre la stabilité intérieure, tant au niveau des institutions démocratiques qu’au niveau de l'économie, et une politique étrangère ambitieuse et plus affirmée, ont créé les conditions optimales pour que le Brésil s’impose sur la scène internationale comme l’une des puissances émergentes les plus dynamiques et passionnantes. 

La politique étrangère brésilienne a souvent défié le statu quo international, qui se caractérise par la relation inégale entre le nord et le sud. Les principes directeurs de sa politique étrangère, à savoir le non-interventionnisme et la résolution pacifique des conflits, distinguent le Brésil de l'approche souvent interventionniste des puissances occidentales établies.

Le Brésil est très bien placé pour endosser le rôle important de défier le statu quo dans l’arène internationale. Sur le plan national, c'est une démocratie, certes encore en phase de consolidation comme toutes les démocraties, mais possédant des fondations institutionnelles et sociétales solides. Son économie est stable et a fait preuve de résilience face aux diverses crises financières de ces dernières années. Le Brésil a tenté de réduire les inégalités et de combattre la pauvreté et l'exclusion sociale, étant même considéré comme un modèle pour d'autres pays. Bien que de graves violations persistent, comme un système de prison médiévale et une tendance à favoriser les projets d'infrastructure au dépend des droits des communautés vulnérables, le Brésil a réussi à garder une image positive dans les affaires internationales.

Ce pays audacieux, riche en ressources, dynamique et multi-ethnique est à bien des égards dans une position plus forte que les autres puissances émergentes afin de réaliser de grandes choses sur la scène internationale. Le pays n'a pas de relations hostiles avec aucun de ses voisins. Notons également qu’il a développé, sur le plan diplomatique, une capacité enviable de dialoguer avec de nombreux pays du Nord et du Sud, y compris les régimes non démocratiques. Enfin, il n'a jamais été un colonisateur dominant les autres nations. 

Parmi toutes les grandes questions internationales, c’est sur les droits de l’homme que le Brésil a le potentiel d’avoir un réel impact. Le géant latino-américain a dans l’ensemble un regard critique sur le système international des droits de l'homme contemporain. Il a habilement et courageusement identifié et remis en question un certain nombre de problématiques tangibles, mais sans avoir pour l’heure trouvé d’alternatives suffisamment valables.

Le gouvernement brésilien a critiqué l’approche des droits de l’homme adoptée par les pays occidentaux consistant à « nommer et dénoncer » les mauvais élèves. L'argument est que de telles tactiques risquent d'isoler et de radicaliser davantage les régimes concernés. Au lieu de cela, le gouvernement brésilien actuel propose la voie du dialogue et de la coopération. Mais les critiques ont fait valoir que cette approche risque de paraître approuver les attitudes complices et complaisantes à l'égard des violations des droits de l'homme. Si le Brésil veut encourager le dialogue et la coopération, il doit clairement présenter une approche fondée sur des normes minimales au regard des droits de l'homme ou risquer de paraître tolérant des abus. Deuxièmement, le Brésil devrait démontrer comment, d’après lui, la coopération et le dialogue sont à même d’obtenir de meilleurs résultats que les accusations. 

Le Brésil a cependant fait preuve d’une réticence alarmante à plaider la cause des droits de l'homme dans ses relations bilatérales. Afin de justifier son silence sur les droits de l'homme lors de visites d'Etat dans des pays comme Cuba, il se réfugie derrière l’argument consistant à dire qu’il vaut mieux faire le ménage chez soi avant de donner des leçons aux autres.  La présidente Dilma Rousseff n'a pas soulevé la question de Guantanamo lors d'une visite aux Etats-Unis bien que l'ONG brésilienne Conectas Human Rights lui en ait fait la demande par écrit. Le gouvernement a indiqué qu'il préfère que les questions relatives aux droits de l'homme soient abordées dans un cadre multilatéral.

Mais le Brésil n’a pas fait grand-chose pour que ses préoccupations soient prises en compte dans le cadre multilatéral. Il critique le fonctionnement sélectif et peu démocratique des organismes internationaux et régionaux, mais adopte rarement une posture plus volontariste ou constructive.

Ce qui s’approche peut-être le plus d'une contribution concrète de la part du Brésil pour faire évoluer le statu quo a été la proposition de la notion de « responsabilité tout en protégeant » (Responsibility while Protecting -RWP) lors des débats du Conseil de sécurité sur l'utilisation de la force pour protéger les victimes civils de violations des droits de l'homme. La proposition brésilienne, présentée par Mme Rousseff lors de l'assemblée générale de l'ONU en 2011, était une réponse constructive à l’inquiétude généralisée sur le fait que l'intervention de l'OTAN en Libye ait outrepassé son mandat. RWP appelle à mieux définir et suivre l'usage de la force dans le cadre de la Responsabilité de Protéger (R2P), la base sur laquelle l'intervention en Libye a été approuvée. Le concept de RWP a besoin d'être développé, mais c'est un début. 

Dans le cas de la Syrie, le gouvernement Rousseff n'a pas travaillé activement en vue de résoudre la crise, restant dans sa zone de confort. A plusieurs reprises, le gouvernement a clairement fait savoir qu'il ne soutient pas une solution militaire à la crise syrienne sans pour autant indiquer quelles mesures multilatérales concrètes ont ses faveurs. Par exemple, le renvoi de l'affaire devant la Cour Pénale Internationale n'a pas le soutien du Brésil.

La candidature du Brésil à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies n’est plus aujourd’hui un fait nouveau. Selon le Brésil, la démocratisation du Conseil se traduira par une plus grande efficacité. Toutefois, Il est reconnu que, hormis l'anachronisme de sa composition, le Conseil de sécurité fait face à des problèmes qui vont au-delà de l'augmentation du nombre de sièges. Jusqu'à présent, la proposition du Brésil, soutenue par le soi-disant G4 (Allemagne, Brésil, Inde et Japon), consiste à rejoindre le club sans nécessairement modifier les règles du jeu. La question du droit de veto, qui est si centrale et sensible, n'est pas directement visée par la proposition actuel du G4, qui prévoit que le droit de veto des cinq membres permanents ne soit pas sujet à débat ou appelé à être modifié pour une période minimale de 15 ans.

Étant donné que le Brésil, dans sa proposition de « responsabilité tout en protégeant », a soulevé la question de la responsabilité pour les opérations militaires autorisées par le Conseil de sécurité, il serait intéressant que le Brésil appelle à une plus grande responsabilisation au sein du Conseil de sécurité lui-même. Jusqu'ici cependant, l'idée brésilienne de réforme du Conseil de sécurité a mis l'accent uniquement sur l'augmentation du nombre de membres.

Que ce soit la remise en question de la politique consistant à nommer et à dénoncer les mauvais élèves, de la sélectivité du système international des droits de l’homme ou de l'usage irresponsable de la force dans les affaires internationales, le Brésil a la capacité d’identifier habilement les problèmes dans la manière dont les droits de l’homme sont traités au niveau international. Mais il ne suffit pas de critiquer. Le Brésil a besoin de présenter des alternatives concrètes et de montrer l'exemple à travers ses propres actions. Si le Brésil veut vraiment être un moteur du changement, il devra se montrer beaucoup plus audacieux à l'avenir.

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