La session annuelle de la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme, qui s’est tenue à New York en mars dernier, a marqué les 20 ans de la déclaration de Beijing par laquelle les États se sont engagés à garantir l’égalité entre les hommes et les femmes.
La session a vu les États membres de l’ONU, la société civile et l’ensemble de la communauté impliquée dans l’égalité des sexes se rassembler pour célébrer les progrès et souligner les défis rencontrés afin de faire progresser l’égalité des sexes dans le monde.
Les lois discriminatoires sur la nationalité sont un ensemble de pratiques qui méritent qu’on leur prête attention. Ces dernières continuent d’affecter les vies de millions de femmes et de leurs familles. Aujourd’hui, 27 pays continuent de discriminer les femmes en leur refusant le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Au total, plus de 60 pays refusent aux femmes l’égalité des droits avec les hommes pour ce qui est d’acquérir, de changer ou de conserver leur nationalité.
Parfois, cela signifie que les enfants de ces femmes n’ont pas de statut légal, et dans le pire des cas, deviennent apatrides, ce qui est la porte ouverte à plus de préjudices tels que l’accès limité à l’éducation publique, aux soins médicaux ou à l’emploi. Dans les situations où une femme d’une nationalité donnée épouse un homme d’une autre nationalité, les lois discriminatoires à l’encontre des femmes traitent leurs enfants comme des étrangers qui doivent acquérir un permis de séjour, une dépense souvent hors de portée pour de nombreuses familles. De plus, pour comble d’insulte, ces familles font souvent face à la stigmatisation et au manque de sentiment d’appartenance. Cependant, si les rôles étaient inversés, et qu’un homme d’une nationalité donnée se mariait avec une femme d’une autre nationalité, la nationalité pourrait être transmise à leurs enfants sans aucun problème.
En 2014, Equal Rights Trust, en partenariat avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ONU Femmes, Égalité Maintenant, le Institute on Statelessness and Inclusion (l’Institut sur l’apatridie et l’inclusion), et Women Refugees Commission (la commission pour les femmes réfugiées), a lancé la Campagne mondiale pour l'égalité des droits en matière de nationalité.
Nous avons mené des recherches sur l’impact des lois discriminatoires sur les femmes et leurs familles au Népal et à Madagascar. Nos conclusions illustrent l’impact dévastateur que ces lois discriminatoires peuvent avoir sur les femmes et sur leurs familles. Deepti Gurung, l’une des nombreuses femmes affectées par la loi discriminatoire sur la nationalité du Népal, a parlé à nos chercheurs de sa vie et de celle de ses deux filles qui ont été dans l’incapacité d’obtenir la nationalité népalaise :
« J’ai élevé ces enfants toute seule et j’ai tenu ma promesse de tout leur donner. Je suis très heureuse de cela » dit-elle, « mais aujourd’hui, quand je regarde en arrière, je souhaiterais avoir pris une décision différente pour que mes enfants n’aient pas eu à être confrontés à ce problème. »

Flickr/philippe leroyer (Some rights reserved)
A Nepalese mother with her children. The economic and social implications of gender inequality in nationality laws can prove dire for women and their children.
Sous la loi népalaise, Deepti, en qualité de mère célibataire abandonnée par son ancien partenaire non népalais, devrait être autorisée à transmettre sa nationalité à ses filles car la loi donne aux autorités népalaises une certaine latitude pour accorder la nationalité à ses enfants. En pratique, cependant, ceci s’est révélé être problématique en raison de la complexité procédurale et de l’impact du préjudice, ce qui a eu pour effet de laisser les deux filles de Deepti apatrides.Les filles de Deepti font face à de nombreux défis parce qu’elles n’ont pas la nationalité népalaise.. Elles ne peuvent pas ouvrir de compte bancaire ou obtenir de permis de conduire. Dans cinq ans, si les autorités locales continuent de refuser à sa fille ainée une carte d’identité, elle ne recevra pas son diplôme de droit. Deepti ne peut même pas transmettre ses biens à ses enfants.
« Même si je veux gagner de l’argent et acheter un terrain, pourquoi ferais-je cela ? Pour qui ? Parce que je n’ai pas la possibilité de transmettre ce terrain ou une maison à mes enfants, » explique-t-elle.
Deepti, ses filles, et d’autres familles dans une situation similaire, font face à toute une série d’autres problèmes, allant d’un coût plus élevé pour accéder au lycée, à l’université et aux soins médicaux, aux restrictions empêchant d’occuper des postes dans le privé ou dans le public et à l’interdiction de voyager à l’étranger.
Ces lois discriminatoires sur la nationalité renforcent les préjugés sociaux et la discrimination contre les femmes. Outre l’impact sur les enfants des femmes mariées à des non nationaux, ou dont les pères sont décédés ou les ont abandonnées, ces lois discriminatoires sur la nationalité renforcent les préjugés sociaux et la discrimination contre les femmes. Fondamentalement, les lois qui empêchent les femmes d’acquérir, de changer, de conserver, ou de transmettre leur nationalité sur une base égalitaire avec les hommes, traitent les femmes comme des citoyens de seconde zone, comme des personnes dont la valeur est moindre que celle des hommes. Comme Deepti l’a souligné :
« Ils ont la même carte (d’identité) pour les hommes et pour les femmes. Ce qui donne un faux espoir que tout le monde a les mêmes droits à la nationalité. Mais ce n’est pas vrai. Ils devraient avoir une carte d’identité noire pour les femmes et une carte de couleur blanche pour les hommes. »
Aujourd’hui, 188 pays ont ratifié la Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cette dernière contient des dispositions spécifiques demandant l’égalité des sexes dans les lois sur la nationalité. En 1995, les États ont réitéré cet engagement dans la déclaration de Beijing. Cependant, des femmes comme Deepti continuent de souffrir de cette forme dommageable et stressante de discrimination, avec des conséquences graves pour elles et pour leurs enfants.
L’espoir est cependant permis. Depuis l’an 2000, plus de 20 pays ont réformé leur législation sur la nationalité pour supprimer les dispositions discriminantes en matière d’égalité des sexes. Nous avons étudié les meilleures pratiques en matière de réforme législative de deux pays qui ont récemment réformé leurs lois : l’Indonésie et le Kenya. Notre recherche menée dans les deux pays indique que la suppression des législations discriminatoires sur la nationalité est facile à réaliser. L’ingrédient clef dans le processus de réforme semble être l’engagement politique à agir et la pression de la société civile à faire de la sorte. Dans ces pays, les organisations de la société civile ont d’abord fait pression en faveur d’une réforme en l’inscrivant dans une problématique relative aux droits de la femme. Mais ils se sont également aperçus que le fait de formuler le problème sous l’angle de la protection de l’enfant était une stratégie gagnante.
Le rôle essentiel de la volonté politique et de son influence sur la question de savoir si et comment la législation doit être réformée est démontré par l’expérience népalaise. Là-bas, l’action en faveur de l’égalité des sexes est dans l’impasse en raison du blocage au parlement lié à des enjeux constitutionnels plus vastes. Dans d’autres pays, il n’y a aucun engagement politique à agir, et peu de pressions à faire de la sorte, en raison d’un profond sexisme culturel. Cependant, la réforme des lois sur la nationalité semble être moins sensible et plus réalisable que d’autres lois préjudiciables pour les femmes et relatives à la famille et au statut personnel.
Equal Rights Trust, et nos partenaires dans la campagne mondiale pour l’égalité des droits en matière de nationalité, avons un message simple. La réforme des lois sur la nationalité qui sont discriminatoires pour ce qui est de l’égalité des sexes est nécessaire. Le droit international l’exige. Et une fois que la volonté politique est réunie, c’est réalisable. Vingt ans après la Déclaration de Beijing, les États doivent s’engager pour finalement éradiquer cette forme de discrimination.

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