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Lutter contre la fraude fiscale va aider à promouvoir les droits économiques et sociaux

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Les militants des droits économiques, sociaux et culturels, devraient se focaliser sur la fraude fiscale. Une contribution d’Amnesty International au débat d’openGlobalRights sur les droits économiques et sociauxEnglish, Españolالعربية

Audrey Gaughran
18 February 2015

De vastes sommes d’argent sont détournées chaque année du public au profit du privé en raison de l’évasion fiscale et de la corruption, mais les efforts des gouvernements afin de mettre un terme aux échappatoires fiscales font souvent face aux menaces explicites ou implicites des entreprises de partir ailleurs et de prendre leurs investissements et emplois avec elles.

C’est un problème international qui a besoin d’une solution internationale. Mais les efforts actuels de coopération sont limités et échouent à aller au cœur du problème. Les pays ont besoin de se serrer les coudes dans un effort multilatéral pour s’en prendre aux  méchants, ainsi que de faire les changements structurels et de politique nécessaires afin de s’attaquer à ces problèmes sur le plan mondial.

Développer les compétences appropriées et les partenariats pour lancer et mener à  leur terme des enquêtes efficaces fait partie de la solution. Récemment, les militants des droits économiques, sociaux et culturels, ont reconnu le lien étroit entre les obligations des États en matière de droits de l’homme et les revenus fiscaux ainsi que les systèmes qui permettent aux entreprises et aux particuliers de transférer leur richesse offshore, hors de portée des gouvernements.

Bien qu’aucun traité international sur les droits de l’homme ne mentionne explicitement l’impôt, tous les traités impliquant des ressources sont basés sur l’hypothèse que les gouvernements vont mobiliser des ressources pour faire face à leurs obligations dans le domaine des droits de l’homme. Ceci inclut des fonds pour former les officiers de police, maintenir les tribunaux, garantir des élections libres et équitables, ainsi que pour garantir un système fonctionnel d’éducation primaire et d’accès aux soins pour tous.

Le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux (PIDESC) est le traité portant sur les droits qui mentionne les ressources de la manière la plus explicite, exigeant que chaque État utilise le « maximum de ses ressources disponibles » pour assurer l’application des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (des observateurs indépendants dont le rôle est de surveiller les progrès sur les questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels) note que lorsque les États invoquent un manque de ressources, ils doivent d’abord « démontrer que tous les efforts ont étés déployés afin d’utiliser toutes les ressources disponibles dans le but de satisfaire en priorité ces obligations minimales. »

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Demotix/Sumaya Hisham (All rights reserved)

Hundreds of protesters march through the streets of Cape Town demanding better housing and improved service delivery.


Alors que les États ont recours à diverses sources de financement des dépenses publiques, la plus grande partie de leurs revenus provient généralement des impôts. Les recettes fiscales sont par conséquent un élément essentiel de leur capacité à maintenir un niveau suffisant de dépenses sociales pour respecter les obligations découlant du traité.

Certains spécialistes des droits de l’homme étudient la manière dont les États utilisent leurs ressources et contrôlent leurs budgets et leurs dépenses pour voir s’ils cherchent réellement à satisfaire à leurs obligations en matière de droits de l’homme prévues dans le traité. L’International Budget Partnership travaille par exemple avec les organisations de la société civile du monde entier pour analyser et influencer les budgets publics afin de réduire la pauvreté.

Ce n’est cependant que très récemment, via le travail effectué par le Rapporteur spécial de l'ONU sur l'extrême pauvreté et par le Centre pour les droits économiques et sociaux, que les militants des droits de l’homme ont commencé à examiner la mobilisation des ressources des États.

En examinant les « ressources disponibles », nous devons regarder non pas ce qui est de facto disponible aujourd’hui, mais à ce qui pourrait légitimement être disponible si les gouvernements faisaient les efforts appropriés. En examinant les « ressources disponibles », nous devons regarder non pas ce qui est de facto disponible aujourd’hui, mais à ce qui pourrait légitimement être disponible si les gouvernements faisaient les efforts appropriés. Les débats sur l’évasion fiscale et la fraude, sur l’austérité, sur le développement du financement après 2015, et sur l’augmentation des inégalités en matière de richesse, ont commencé à exposer la manière dont les richesses mondiales sont réparties et qui les contrôle. Les révélations ont été choquantes : non seulement un petit nombre de personnes et d’entreprises contrôlent d’immenses richesses, mais les systèmes par lesquels elles maintiennent et font prospérer leur fortune sont souvent en dehors du contrôle d’un État individuel.

En Europe, par exemple, où la crise économique et le besoin de mesures d’austérité sont des problématiques familières, les hommes politiques ont proposé des mesures fiscales régressives qui mettraient potentiellement à mal la mobilisation des ressources pour les droits de l’homme. Dans d’autres cas, il y a eu des révélations dérangeantes sur l’évitement fiscal des entreprises multinationales. Ce qui veut dire que l’argent qui pourrait être utilisé par les gouvernements pour financer les dépenses sociales, réduire la pauvreté, et réaliser les droits de l’homme, est détourné au profit du privé via des canaux qui sont légaux, bien que largement vus comme étant injustes. Les mêmes systèmes (paradis fiscaux et comptes bancaires offshore) facilitent également la circulation de la richesse illicite.

Un rapport de 2014 de Global Financial Integrity (Intégrité financière mondiale) a révélé que les pays en développement avaient perdu 6600 milliards de dollars américains en flux financiers illicites entre 2003 et 2012 et que ces flux sortants augmentaient à un taux moyen alarmant de 9,4% par an. Les flux sortants (facilités, entre autres, par les paradis fiscaux et le secret bancaire, les entreprises anonymes, et les techniques de blanchiment d’argent) étaient bien plus grands que le total de l’aide officielle au développement fournie aux pays en développement au cours de la même période qui était de 809 milliards de dollars américains.

À ce jour, Amnesty International s’est penché principalement sur les échecs des États à respecter et à protéger les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que sur la discrimination dans l’accès aux biens et services essentiels comme l’éducation. Jusqu’à présent, nous n’avons pas focalisé notre énergie sur l’étude de la manière dont les États accèdent aux ressources et les utilisent pour répondre à leurs besoins et remplir leurs obligations.

L'analyse budgétaire est un outil important dans ce travail, bien que de telles analyses soient limitées par ce qu’indique un État comme étant actuellement disponible ou ce qu’il croit l’être. Toute analyse sur la manière dont le Portugal ou le Sierra Leone, par exemple, affectent leurs ressources budgétaires ne permettrait pas de révéler l’évasion fiscale ou le transfert de richesses offshore par les multinationales ou les particuliers fortunés.

Sans examiner ces problèmes plus profonds, les militants risquent de faire des recommandations simplistes qui acceptent le statu quo en matière de ressources et parallèlement, les fortes injustices à l’échelle mondiale. Ironiquement, de nombreux États fournissant de l’aide aux pays en développement qui ne peuvent pas satisfaire leurs obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels, accueillent également des entreprises qui prennent la richesse de ces même pays parmi les plus pauvres, à un taux et pour un montant qui excède de loin les flux de l’aide. Ils sont également, dans certains cas, les architectes de ces mêmes structures (paradis fiscaux et centres financiers offshores) qui leur donne les moyens de le faire.

Si les droits de l’homme et la communauté du développement veulent dépasser le stade du constat, elles doivent s’impliquer dans un travail d’enquête en profondeur et rigoureux pour exposer, au cas-par-cas, les systèmes et les politiques injustes qui facilitent la sortie des richesses, et de faire le lien entre ces systèmes et leurs conséquences sur les droits de l’homme.

Les militants des droits économiques et sociaux doivent se concentrer sur les solutions internationales à l’évasion fiscale. Montrer du doigt les fraudeurs et augmenter les budgets de l’aide au développement international ne suffit pas. Et nous ne devrions pas laisser seuls les économistes et les organisations comme tax justice (justice fiscale) promouvoir l’agenda sur l’éthique et l’accès à la richesse mondiale.

Les militants des droits de l’homme doivent également développer les compétences et les partenariats pour participer aux enquêtes et aux solutions dans le domaine de l’évasion fiscale.

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