Malgré les nombreux efforts investis dans le processus de réforme des organes de traité (ou organes conventionnels) des Nations Unies, le résultat - énoncé dans une récente résolution de l'Assemblée générale - est loin de répondre aux attentes des défenseurs des Droits de l’Homme. La nomination de Zeid al-Hussein au poste de Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme offre une opportunité pour apporter de nouvelles réponses au problème.
Plusieurs contributions sur Open Global Rights ont documenté le fait que la maitrise des instruments internationaux de protection des Droits de l'Homme reste en grande partie réservée à une élite minoritaire. Les organismes des Nations Unies qui veillent à l’application des traités doivent faire davantage pour créer du lien et communiquer avec les citoyens, particulièrement les plus pauvres et marginalisés. Le printemps arabe a démontré que les médias sociaux et les nouvelles technologies de l'information sont des vecteurs clés de changement social, que les organes de traité doivent s’approprier. Ceux-ci doivent également améliorer la mise en œuvre des milliers de recommandations qu'ils adoptent chaque année. Là encore, il leur faudra améliorer leur communication envers les masses pour y arriver.
Comment expliquer qu’aucun des 10 organes de traité des Nations Unies ne soit présent sur Facebook ou Twitter? La jeunesse du monde entier s’est approprié ces médias pour communiquer et partager des idées. Pourquoi les Nations Unies mettent des années pour organiser la diffusion en direct et en ligne des examens des Etats par les organes de traité? Le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, qui assure la fonction clé de Secrétariat des organes de traité, doit contribuer au rayonnement de ceux-ci et diffuser les recommandations émanant de leur système complexe. Le problème ne se limite pas au manque de rayonnement en Asie, Afrique ou Amérique latine. A Genève même, au pied du siège des Nations Unies, les ONG spécialisés se sentent elles aussi parfois déconnectées des organes de traité qu’elles soutiennent. Seul un petit nombre d'individus et d'institutions sont en mesure de digérer les recommandations des organes de traités et de surveiller leur mise en œuvre. Cette situation doit changer, et le cercle des personnes et institutions qui s’approprient les recommandations, pour la plupart très pertinentes, des organes de traité, doit être considérablement élargi.
Le fonctionnement des organes de traités reste fondamentalement focalisé sur le processus d’examen des états plutôt que sur les résultats concrets pour améliorer le respect des droits humains. Trop peu d’efforts sont déployés une fois que les recommandations sont adoptées par les organes de traité pour les mettre en œuvre. Les ONG et les défenseurs des droits de l’homme rivalisent pour produire des analyses juridiques de haute qualité, et ils embauchent des lobbyistes pour convaincre les membres des organes de traité, et s'assurer que leurs priorités soient prises en compte lors des examens. Mais il est trop rare de voir des efforts similaires déployés pour assurer la mise en œuvre des recommandations sur le terrain pour le bénéfice des citoyens, en particulier des plus vulnérables. Les études et données fiables font défaut pour mesurer l’impact des initiatives visant à assurer la mise en œuvre des recommandations des organes de traité.

UNHCR Annual Consultation with NGOS (June 2014) Flickr/Some rights reserved.
La récente réforme des organes de traité apporte quelques améliorations mais reste bien en deçà des espérances. La résolution 28/268 adoptée par l’Assemblée générale en avril 2014 est le résultat de plusieurs années de consultations entre les états, les ONG et les institutions nationales des Droits de l'Homme. Celles-ci ont permis le partage d’un grand nombre de propositions concrètes et constructives. Malheureusement, la plupart n’ont finalement pas été retenues et au final la réforme apporte des changements mineurs, aux niveaux administratif et procédural. Pourtant, plusieurs propositions apportaient des réponses au besoin de mieux faire connaitre les recommandations des organes de traité, telles que la mise en place de mécanismes de suivi des recommandations au niveau national. Là aussi, la suggestion n’a finalement pas été retenue dans la résolution de l’Assemblée générale. On peut donc s’attendre à ce qu’en l’état, les organes conventionnels continuent à adopter des milliers de recommandations dans des dizaines de pays chaque année, avec très peu d’impact concret pour les droits humains dans les pays concernés.
Le potentiel des organes de traité des droits de l'homme des Nations Unies est important, et le Bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme a démontré sa volonté de tirer profit du processus, y compris au niveau de la Haut-Commissaire Pillay. Mais le processus de « renforcement » s’est trop étalé dans le temps. La mesure dans laquelle les contributions au processus seraient prises en considération était mal définie. Au final, les Etats membres de l'ONU ont pris le processus en main, et naturellement ils ont rejeté la plupart des idées novatrices qui avaient émergé. La résolution de l'AG met en évidence une déconnexion totale avec les défenseurs des droits humains et les citoyens ordinaires – en particulier les personnes les plus vulnérables. La résolution représente le plus petit dénominateur commun des propositions de réforme. Il est clair que certains états membres se sont opposés avec succès aux idées les plus novatrices - mais ils ne sont pas les seuls responsables. Les diverses parties prenantes au processus avaient aussi des intérêts divergents, et cela n'a pas aidé.
Plus d'ambition, de leadership et des méthodes de travail différentes seront nécessaires pour faire que les organes de traités puissent communiquer plus efficacement avec les masses, y compris dans les langues vernaculaires et par un meilleur usage des médias sociaux et de masse. Certaines réformes peuvent être effectuées sans devoir passer par l'approbation des états. Des idées simples peuvent faire la différence. Par exemple, il a été suggéré que les équipes de pays des Nations Unies pourraient organiser comme elles le font parfois (rarement) des débats publics autour des examens par les organes de traité des pays concernés. Plutôt que de se plaindre sur le manque de ressources financières, les organes de traité pourraient faire un usage différent de ces dernières et investir plus d'efforts dans la mise en œuvre de leurs recommandations. La composition de ces organes devrait également inclure des personnes plus jeunes provenant de milieux professionnels plus diversifiés (càd pas uniquement des avocats et universitaires).
Plus d'ambition, de leadership et des méthodes de travail différentes seront nécessaires pour faire que les organes de traités puissent communiquer plus efficacement avec les masses...
Tous les organes de traité devraient disposer de systèmes appropriés pour le suivi et la mise en œuvre de leurs recommandations, comme le Comité des droits de l'homme. Cet organe de traité, l’un des plus avancés en la matière, a récemment adopté un système de notation sur la mise en œuvre de leurs recommandations par les états. La grille de notation est simple, objective et facile à interpréter, mais il est encore difficile de savoir si d'autres organes de traité suivront le pas. L’utilisation de méthodes pratiques et compréhensibles par tous pour évaluer la mesure dans laquelle les recommandations des organes de traités sont mises en œuvre constitue exactement le genre de stratégie qui peut améliorer leur impact.
Le nouveau Haut-Commissaire Zeid al-Hussein aura un certain nombre de bonnes propositions pour réformer et rationaliser les travaux des organes de traités sur son bureau. Il fera également face à des défis majeurs pour réconcilier les divers intérêts des parties prenantes et trouver un équilibre. Sa capacité à renforcer les organes de traités d'une manière significative constituera un facteur déterminant de son mandat.

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