LaBlanche, qui danse souvent sur ses vidéos, compte en ce moment de plus de 35 000 abonnés. C’est un chiffre considérable au Togo, un petit pays de 8 millions d’habitants dont seulement 19% (1,5 millions de personnes) ont accès à internet, selon des données datant de 2019. C’est comparable à quelqu’un au Royaume Uni (population de 67 millions) qui aurait plus de 2,5 millions d’abonnés.
Abusés et criminalisés
Bien que TikTok et d’autres réseaux sociaux aient été célébrés pour offrir aux personnes marginalisées de nouveaux espaces dans lesquels elles peuvent partager leurs expériences et entrer en contact avec des alliés partageant des idées similaires, dans des endroits tel que le Togo, leur impact est limité. Et s’exprimer en ligne comporte toujours des risques.
« Il n’arrive pas vraiment à résister aux acerbes critiques qu’il essuie », a déclaré une personne à propos de son ami gay, qui est actif sur TikTok, mais reste prudent et craint des répercussions, suite à des commentaires offensants qui ont été publiés sous ses vidéos.
D’autres personnes avec lesquelles j’ai discuté on dit que les réactions rudes à leurs vidéos les avaient amenées à se demander s’ils devraient abandonner TikTok – le réseau social de prédilection pour de nombreux jeunes au Togo (où l’âge moyen est 19 ans), et ailleurs dans le monde.
« Au départ ça me dérangeait beaucoup – cela m’amenait à beaucoup réfléchir – mais j’ai fini par en être habitué », a déclaré L’Arcadien, à propos de l’abus en ligne qu’il a reçu. « Aujourd’hui, ça ne me fait ni chaud ni froid ».
En juin 2021, aux Nations Unies à Genève, le ministre des droits de l’homme du Togo Christian Trimua a réitéré que les actes homosexuels sont criminalisés dans le pays.
L’article 88 du code pénal togolais stipule que toute personne qui commette un « acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe » sera punie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 500 000 francs.
Dans leur quotidien, les personnes LGBT au Togo (et même celles simplement soupçonnées d’être homosexuels) sont confrontées à des insultes et parfois à des attaques physiques.
Dans ce contexte hostile, les vidéos produites par de jeunes TikTokeurs togolais paraissent révolutionnaires pour des spectateurs tels que Hyppolite, une camionneuse de 18 ans qui m’a confié qu’elle est lesbienne et que le fait de devoir cacher sa sexualité l’a poussée à se retirer de la vie publique.
« Quand je sors, je ne cause avec personne de mon quartier. Et quand je rentre, je suis chez moi dans ma chambre », dit-elle. Une fois, une amie l’a surprise en train d’embrasser sa copine. « Elle m’a quand même promis que cela va rester un secret entre nous et je veux bien la croire sur parole ».
Mais elle a été inspirée par les vidéos de L’Arcadien, dit-elle, et envisage d’ouvrir un compte TikTok – et de rejoindre sa génération de pionniers qui utilisent internet pour accéder, même si de façon limitée, à un environnement sûr et rassurant.
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